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Sultani Makenga, du FPR au M23

Written By FODABI on dimanche 10 novembre 2013 | 09:18

Le chef militaire de l’ex-rébellion congolaise du Mouvement du 23 Mars, Sultani Makenga, est un soldat austère à l’habileté reconnue par ses ennemis mais en qui la communauté internationale voit surtout un criminel de guerre.
Selon un haut responsable militaire ougandais, il se trouvait jeudi en Ouganda entre les mains de l’armée, trois jours après la défaite militaire du M23 face aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).
Né le 25 décembre 1973 dans le Nord-Kivu, province chroniquement instable de l’est de la RDC, Emmanuel Sultani Makenga a passé l’essentiel de sa vie militaire dans des rébellions diverses.
Selon l’ONU, cet homme, très agressif sur le théâtre des opérations et réputé discret, taiseux même, en-dehors, figure « parmi les pires auteurs de violations des droits de l’Homme en RDC, voire au monde ». Les Nations unies l’accusent ainsi d’être responsable et d’avoir participé à de nombreux massacres, mutilations, enlèvements et violences sexuelles, parfois sur des enfants.
Maigre, d’une taille d’un mètre soixante-quinze environ, l’ex-colonel des FARDC qui s’est promu lui-même général a un faible pour les chapeaux à larges bords, à l’image du sombrero noir aux bordures dorées retrouvé dans sa petite case au sommet de la colline de Chanzu, évacuée en catastrophe lundi par les derniers combattants du M23.
Makenga a grandi tout près de cette hauteur, dans la zone de Jomba, coeur du pays tutsi du Nord-Kivu, dans les montagnes aux confins de l’Ouganda et du Rwanda.
En 1990, il s’enrôle en Ouganda dans le Front patriotique rwandais (FPR), la rébellion tutsi qui prend le pouvoir à Kigali à la fin du génocide de 1994. Intégré ensuite dans l’armée rwandaise, il y gagnera le grade de sergent.
Pendant la seconde guerre du Congo (1998-2003), il combat au sein des forces rwandaises. Il participe notamment, au début du conflit, au pont aérien organisé par le chef d’état-major, James Kabarebe, aujourd’hui ministre de la Défense rwandais, pour prendre Kinshasa à revers par l’ouest afin d’en déloger le dirigeant congolais Laurent-Désiré Kabila, père de l’actuel président de la RDC Joseph Kabila.
Après un passage par la guérilla du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), il rejoint la rébellion tutsi du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda, dont il devient assez vite le dauphin. Comme Nkunda, on le verra souvent avec une canne élégante dont il se servait pour donner ses directives.
En 2009, il est parmi les chefs rebelles signataires de l’accord de paix prévoyant l’intégration du CNDP au sein de l’armée congolaise.
En avril 2012, alors qu’il est le commandant en second pour le Sud-Kivu de la campagne de lutte contre les extrémistes hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), Kinshasa décide de mettre fin à cette opération après une tentative de soulèvement d’anciens du CNDP. Quelques jours plus tard, le colonel Makenga est muté. Il disparaît en chemin. On le retrouve plus tard sur les collines de son enfance, où il participe à la création du M23.
Un commandant des FARDC ayant participé aux récents combats contre le M23 voit en lui « un bon militaire ». « Il était malin! », dit-il, « par exemple, il massait toutes ses éléments sur un axe pour faire croire qu’ils étaient nombreux et de l’autre côté, il n’y avait presque rien ».
Un autre officier des FARDC le juge également « bon militaire », adepte de la guerre non conventionnelle, mais piètre tacticien.
Un journaliste de l’AFP l’a vu prendre part aux combats en 2012 pour insuffler du courage à ses troupes. Strict sur la discipline et toujours rasé de près, il avait en permanence deux émetteurs-récepteurs: l’un pour recevoir la situation sur la première ligne de front, et l’autre pour donner les ordres. Il exigeait que soient évacués rapidement les blessés et lorsque le danger était proche, il disait aux journalistes de reculer.
Marié et père de deux filles, l’homme ne dédaigne pas de temps à autre un bon whisky. N’ayant connu qu’une vie de combats, il avait un jour déclaré à l’AFP: « Tout notre temps nous le passons à la guerre, nous n’avons jamais eu de paix. »
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